John Dowland
Brian Robins
Brian Robins est né en Angleterre, à Cheltenham, mais il a passé ses premières années à Bournemouth. Un intérêt précoce pour la musique l'a d'abord conduit vers l'industrie du disque. Mais il en conclut qu'il n'avait pas d'avenir comme exécutant. Cette expérience et un intérêt pour l'histoire l'amenèrent à entreprendre un diplôme d’histoire de la musique en quatre ans comme étudiant externe à l’Université de Londres. Après l’obtention de son diplôme avec félicitations du jury, il fut immédiatement engagé comme adjoint d’enseignement, poste qu’il apprécia énormément. A cette époque, il travaillait aussi sur les manuscrits du volumineux journal d’un compositeur amateur anglais du XVIIIe siècle, John Marsh, une entreprise qui finit par aboutir à la publication de ce journal sous sa direction aux Etats-Unis en 1998. Son dernier livre est une étude de la culture «catch and glee » dans l’Angleterre deu XVIIIe siècle. Il a également rédigé des chapitres pour deux anthologies, des essais pour des revues universitaires, et participe à des colloques scientifiques, ayant par ailleurs contribué à l’édition révisée du New Grove Dictionary of Music and Musicians, et à The Oxford Dictionary of National Biography.
Parallèlement à son travail universitaire, Brian Robins est critique de disques de musique ancienne dans les revues Fanfare (USA) et Goldberg (Espagne), étant également rédacteur en chef de la version anglaise et conseiller de cette dernière. Il a fait des émissions pour la BBC Radio 3 et a récemment été invité à rejoindre le jury du Prix International Haendel Stanley Sadie. Il accorde une grande importance à une approche interdisciplinaire de l’histoire des arts, dans le respect du contexte, sa vaste culture incluant de nombreux aspects de l’histoire des XVIIe et XVIIIe siècles. Pour se détendre, Brian Robins aime la société et les promenades dans la campagne de cette Bourgogne où il demeure depuis cinq ans avec sa compagne Anne. Il apprécie aussi le sport, tout particulièrement le football, bien que sa carrière de joueur ordinaire relève maintenant d’un lointain passé.
D'autres informations sur le site www.earlymusicworld.com
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John Dowland est l’un des rares grands compositeurs dont la renommée s’appuie aujourd’hui sur un nombre relativement restreint d’œuvres. Ses compositions sont presque entièrement écrites pour son propre instrument, le luth. Beaucoup de ses chansons et de ses partitions pour ensembles (consorts) étaient à l’origine des compositions pour luth, et c’est comme luthiste qu’il devint célèbre dans toute l’Europe.
Premières années
On ne sait toujours rien de certain sur ses origines familiales, mais son année de naissance, 1563, peut être assez solidement établie d’après ses propres écrits. Dans l’Adresse au Lecteur de A Pilgrimes Solace (Consolation du Pèlerin) publiée en 1612, Dowland écrit “j’ai entamé la cinquantième année de mon âge”, et il corrobore l’information en disant ailleurs qu’il est né trente ans après la publication de l’ouvrage de Hans Gerle sur la tablature du luth, lequel date de 1533. Thomas Fuller, dans The History of the Worthies of England (Histoire des grands hommes d’Angleterre, 1662), affirme que Dowland est né à Westminster (Londres), mais son bref récit de la vie du compositeur contient tant d’erreurs qu’il faut traiter son témoignage avec la plus grande réserve. Au début du XXe siècle le compositeur et universitaire H. Gratton Flood avance la théorie selon laquelle Dowland serait originaire de Dalkey, dans le comté deDublin ; mais ses arguments peu convaincants et souvent mal étayés ont été depuis largement écartés par des travaux plus récents.
Qu’il ait étudié la musique très jeune, c’est encore lui-même qui nous le dit, mais la nature de ses études et l’identité de son ou de ses professeurs restent obscures. Il semble probable que selon la coutume du temps il ait fait son apprentissage auprès d’un noble protecteur, théorie qui s’appuie sur le fait qu’en 1580, au service de Sir Henry Cobham, il accompagne celui-ci dans son ambassade à Paris auprès du roi de France. Paris a sans doute à l’époque bien des attraits pour le jeune musicien : la capitale française peut en effet se vanter d’avoir certains des meilleurs professeurs et joueurs de luth d’Europe, en particulier Adrien Le Roy dont la méthode de luth est largement utilisée en Angleterre. A la cour de France Dowland a probablement l’occasion d’entendre les airs et les danses qui jouent un rôle important dans les “masques”, et dont la fluidité mélodique contribue à forger son style. Une autre influence qui, comme nous le verrons, va avoir des conséquences moins favorables, a été sa conversion au catholicisme pendant ce séjour parisien.
On ne sait pas exactement quand Dowland rentre en Angleterre, mais la plupart des spécialistes pensent qu’il reste à Paris environ quatre ans. Pour trouver d’autres éléments concrets sur le jeune luthiste il faut arriver à 1588 où on le voit clairement établi à Oxford. Cette année-là, l’universitaire John Case cite Dowland dans son Apologia musices comme l’un des principaux musiciens du temps, et en juillet, juste au moment où l’Angleterre attend avec appréhension l’arrivée de l’Armada espagnole, il est reçu Bachelor of Music par le collège de Christ Church à Oxford. Pour recevoir ce diplôme il doit souscrire aux 39 articles de l’Église anglicane ; il est donc obligé de rester discret sur sa conversion au catholicisme, situation étrange si on considère que le pays est peut-être à la veille de redevenir catholique ! Le 17 décembre 1590 on apprend pour la première fois qu’une composition de Dowland est chantée à la cour d’Élisabeth Ire : une version de la chanson His golden locks time hath to silver turn’d (Ses boucles dorées, le temps les a argentées) est apparemment chantée sur la lice à l’occasion des cérémonies qui marquent la retraite de Sir Henry Lee comme champion de la reine. Deux ans plus tard Dowland joue un petit rôle dans un divertissement organisé pour la reine à Studeley Castle, avec sa chanson My heart and tongue were twins (Mon cœur et ma langue étaient jumeaux).
Quelque temps auparavant Dowland s’est marié, mais on ne sait à peu près rien de sa femme, pas même son nom. Le fait qu’elle ne l’accompagne dans aucun de ses voyages par la suite amène Diana Poulton à suggérer qu’elle ne joue pas un grand rôle affectif dans sa vie. Quoi qu’il en soit, on sait qu’ils ont eu des enfants, même si nous n’avons d’informations que sur un fils, Robert, dont les documents de mariage indiquent qu’il est probablement né en 1591. Il va lui-même devenir musicien, et on le connaît surtout aujourd’hui pour son recueil A Musicall Banquet (1610), compilation qui comporte entre autres des chansons de son père (parmi lesquelles la meilleure, In darkness let me dwell – Dans l’ombre laissez-moi demeurer) et des arrangements pour luth de compositeurs comme Pierre Guédron.
Le voyage en Allemagne et en Italie
A la mort en 1594 de l’un des luthistes de la reine, John Johnson, Dowland pose sa candidature au poste devenu vacant ; bien en cour et musicien réputé, il peut espérer l’obtenir. Cependant comme cela arrivera encore, ses espoirs sont déçus, et le poste n’est d’ailleurs pas pourvu. Cela le décide à s’embarquer pour un voyage à l’étranger qui le conduit d’abord en Allemagne vers les cours de deux princes cultivés, le duc de Brunswick à Wolfenbüttel et le landgrave de Hesse à Kassel. Il les connaît tous deux de réputation – il les qualifiera plus tard de “miracles de cet âge par la vertu et la magnificence” - et, très bien reçu et couvert de cadeaux par le duc, il n’en décline pas moins une proposition d’emploi. Après un été à Wolfenbüttel, il se rend à Kassel en compagnie de l’un des luthistes de Brunswick, à la suggestion, semble-t-il, du duc lui-même. D’après ses dires le landgrave lui offre lui aussi un emploi, mais son véritable objectif est l’Italie, et plus particulièrement une rencontre avec Luca Marenzio, le grand madrigaliste dont l’œuvre est connue et admirée en Angleterre, et auprès duquel il espère étudier. Ayant traversé les Alpes, sa première destination est Venise où il rencontre Giovanni Croce, à cette époque vice maestro de St Marc.
Après Venise, ce sont Padoue, Gènes, Ferrare et “divers autres lieux” qu’il visite avant d’arriver à Florence, où il est invité à jouer à la cour des Médicis devant Ferdinand Ier, grand duc de Toscane. Il est possible qu’il y rencontre Giulio Caccini qui y a un poste de chanteur. Dowland fait aussi des rencontres moins recommandables à Florence, où il est contacté par des exilés catholiques anglais impliqués dans des activités de trahison. Lorsqu’on lui fait comprendre qu’en se rendant à Rome où “on connaît son mécontentement” il pourrait obtenir une “grosse pension du Pape” et que “Sa Sainteté et tous les cardinaux sont prêts à [le] couvrir de bienfaits”, Dowland réalise qu’il n’est pas loin de naviguer dans des eaux extrêmement troubles. En fait, comme nous allons le voir brièvement, il semble avoir pris peur, avoir abandonné son projet de rencontrer Marenzio à Rome, et préféré quitter l’Italie. Cette rencontre manquée nous laisse avec des questions désespérément sans réponses sur ce que Dowland aurait pu apprendre de Marenzio. D’après le témoignage de Dowland lui-même et une lettre que lui adresse Marenzio et qui existe toujours, il semble clair que les deux compositeurs ont correspondu régulièrement depuis l’arrivée de Dowland en Italie, et qu’ils se manifestent un respect mutuel.
Sa fuite d’Italie nous est racontée dans un document des plus remarquables de la main même de Dowland. Il s’agit de la longue lettre qu’une fois en sécurité à Nuremberg il écrit au puissant homme de cour Sir Robert Cecil (plus tard comte de Salisbury, dont le nom est célébré dans des œuvres de William Byrd et d’Orlando Gibbons). Daté du 10 novembre 1595, ce document extraordinaire montre clairement l’étendue du désarroi de Dowland et le profond trouble émotionnel qui l’habite. Il commence par raconter comment il a été attiré par les “faux-semblants” du catholicisme à Paris quelque quinze ans plus tôt, et comment, après son retour, il a été témoin de l’horrible exécution de conspirateurs catholiques à Londres (souvenir qui explique certainement, au moins en partie, sa frayeur du moment). Il poursuit en attribuant l’échec de sa candidature au poste de luthiste de la cour au fait qu’il pense qu’Élisabeth le considère comme un “papiste obstiné”, explication peu convaincante puisque la reine non seulement tolère mais encourage même des musiciens catholiques comme William Byrd et Thomas Tallis. C’est ensuite un récit complet de la façon dont il a été piégé par les conspirateurs de Florence, puis, réalisant dans quelle situation il s’est mis, de la manière dont il “s’est retrouvé face à lui-même et a versé des larmes amères” ; il insiste alors sur le fait qu’il n’a “jamais aimé la trahison ni la traîtrise, et jamais assisté à aucune messe en Angleterre”, et qu’il a désormais totalement tourné le dos à ses péchés de jeunesse. La lettre se termine par de misérables excuses adressées à la reine, assurant Sir Cecil que le but de cette lettre est qu’elle “soit au courant de l’infamie de ces abominables prêtres et jésuites, et qu’elle se garde d’eux”.
En dépit du pathos et des contradictions qui l’émaillent, cette lettre est importante non seulement pour l’éclairage qu’elle apporte sur la personnalité de Dowland, mais aussi pour les détails biographiques qu’elle est la seule à nous fournir. C’est elle, par exemple, qui fait allusion à sa femme et au fait qu’ils ont eu des enfants, Dowland exprimant ses craintes quant à leur sécurité. Elle montre aussi clairement à quel point il exagère l’importance qu’on prête à son passé catholique, en admettant même qu’il soit si notoire que cela. Il est bien certain que s’il avait constitué une sérieuse menace on ne l’aurait jamais autorisé à se rendre à l’étranger.
En 1596 Dowland est de retour à la cour de Hesse, où il reçoit une lettre encourageante de son protecteur d’autrefois, le courtisan Henry Noel, qui l’assure d’un bon accueil à la cour d’Angleterre où la reine a en plusieurs occasions exprimé le souhait de le voir revenir. Cela semble suffire à convaincre Dowland, certainement plein d’espoir désormais d’obtenir le poste qu’il convoite, de hâter son retour. Malheureusement Noel meurt en 1597, avant d’avoir pu l’aider davantage, ne laissant plus à son ancien protégé que la possibilité du lui dédier sa Lamentatio Henrici Noel, ensemble de psaumes et de cantiques à quatre voix. Au cours de la même année il publie son First Booke of Songes (Premier Livre de Chansons), succès retentissant, réédité quatre fois entre 1600 et 1613, qui consacre son droit à être considéré comme le principal compositeur anglais de sa génération. C’est aussi en 1597, dans un sonnet célèbre où il le compare à Edmund Spencer, que Richard Barnfield fait l’apologie de Dowland : “Dowland to thee is dear, whose heavenly touch/Upon the lute doth ravish human sense” (“Dowland t’est cher, dont le divin toucher /Au luth enchante l’esprit humain”).
A la cour de Christian IV de Danemark
En dépit de tels éloges, Dowland n’a toujours pas de poste à la cour d’Angleterre. C’est sans aucun doute cette déception permanente qui le conduit à accepter le poste de luthiste à la cour du roi Christian IV de Danemark, après qu’il ait entre-temps refusé une nouvelle offre du landgrave de Hesse. Christian, connu pour le mode de vie hédoniste de sa cour, est un grand amateur de musique qui réunit autour de lui un certain nombre d’excellents musiciens. Pour s’offrir les services de Dowland il est prêt à payer un salaire exceptionnellement généreux de 500 daler par an, ce qui fait de Dowland l’un des membres de la cour les mieux payés, toutes charges confondues. Pendant son séjour au Danemark il se rend parfois en visite en Angleterre, et il lui arrive de ne pas être de retour dans les délais ; cependant, malgré les reproches de Christian, son salaire lui est toujours versé, parfois même d’avance. Au cours de ce séjour Dowland termine deux autres recueils de chansons (1600 et 1603) dont il envoie le premier à sa femme pour qu’elle en surveille la publication. A l’été 1603 il est à nouveau en Angleterre, cette fois pour “ses propres affaires” (un séjour précédent entre 1601 et 1602 a eu pour objet de recruter des musiciens et d’acheter des instruments pour le monarque danois), et peut-être pour essayer encore de se faire engager à la cour. Élisabeth est morte le 24 mars de cette année 1603, et Jacques Ier (Jacques IV d’Écosse), dont l’épouse Anne est la sœur de l’employeur royal de Dowland, lui a succédé.
En Angleterre les “propres affaires” de Dowland concernent aussi la supervision de la publication de l’une de ses oeuvres les plus importantes, le recueil de pièces pour ensembles d’instruments Lachrimæ, or Seaven Teares (Lachrimæ ou Sept larmes). Diplomatiquement dédié à la nouvelle reine anglaise, sa préface informe le lecteur qu’il a “eu accès” à elle à Winchester lorsqu’un masque, auquel il prenait peut-être part, y fut représenté sur ordre de la souveraine ; dans l’intention de rejoindre le Danemark tout de suite après, il en avait été empêché par deux fois par “des vents contraires et des gelées”. Ce retard (ou cette excuse) permet au compositeur d’assister à la publication de Lachrimæ à la fin du mois de mars 1604 ; sur la page de titre on apprend pour la première fois que Dowland possède une maison dans Fetter Lane à Londres.
Les registres de l’été 1605 de la cour danoise montrent que Dowland commence à recevoir des avances sur son salaire, ce qui peut laisser penser qu’il a des problèmes d’argent. Diana Poulton suggère que cela peut être à l’origine de son renvoi de la cour qui survient en février 1606, mais comme le note Peter Holman rien ne prouve qu’il ait quitté le Danemark en disgrâce, et son salaire exceptionnel comme ses dépenses lui ont été réglés intégralement.
Les dernières années
Nous ne savons pas grand chose de la période qui suit immédiatement le départ de Dowland de la cour du Danemark ; il faut arriver en 1609, l’année où sa traduction du Micrologus du théorcien allemand Andreas Ornithoparcus est publiée avec une dédicace enthousiaste à son ancien mentor, Robert Cecil, devenu Comte de Salisbury. La page de titre nous apprend que les Dowland résident toujours à Fetter Lane, bien qu’il ne soit plus fait mention de la mystérieuse Mrs Dowland après 1601. L’année suivante la cour d’Angleterre l’écarte à nouveau alors qu’un poste de luthiste se trouvant vacant est attribué à l’obscur Robert Merson.
Il ne fait pas de doute que ce coup supplémentaire porté à un musicien qui était désormais l’un des plus renommés d’Europe lui a inspiré l’accès de colère que l’on trouve dans la préface de A Pilgrimes Solace, publié la même année et dédié à Lord Howard de Walden qui employait alors Dowland comme luthiste. Il y souligne rageusement le contraste entre la façon dont l’ont traité la cour danoise et “d’autres cités fameuses du continent” et l’indifférence de son propre pays, et poursuit en attaquant les chanteurs qui n’ont aucune notion de théorie et ne peuvent exceller que dans l’ornementation aveugle (blind division making), les jeunes luthistes professionnels qui n’ont aucun respect pour leurs aînés (lesquels sont, devine-t-on, bien meilleurs) , et “divers étrangers d’au-delà des mers” qui prétendent que “la technique du doigté des luthistes anglais est déficiente”. Un opprobre particulier est réservé au gambiste Tobias Hume, qui dans la préface de son recueil The First Part of Ayres… (1605) suggère que la nouvelle lyra-viol à la mode est supérieure au luth pour ce qui est de l’expression musicale. Là encore certaines récriminations de Dowland sont difficiles à comprendre. Lorsqu’il affirme être incapable de trouver le moindre petit engagement en Angleterre il passe sous silence non seulement le poste prestigieux qu’il occupe auprès de Lord de Walden (on se demande ce que sa Seigneurie pouvait penser de ce grief), mais aussi la protection d’autre mécènes. Pour D. Poulton, Dowland se montre dans un état “proche de la folie de la persécution”, et pour Holman il y a là quelque chose de paranoïaque.
En 1612, alors qu’il a 49 ou 50 ans, Dowland devient enfin luthiste royal. Il ne s’agit pas d’une vacance à pourvoir, mais d’un poste créé pour lui qui fait passer le nombre de luthistes de la cour de quatre à cinq. Comme Robert Johnson, le plus remarquable des quatre autres, Dowland était payé à la journée (20 pence), au contraire de leurs trois collègues qui étaient payés à l’année. On ne trouve mention de son nom dans les registres des festivités royales qu’occasionnellement, probablement parce que les quatre anciens se partageaient la participation à de tels événements. La dernière fois que son nom apparaît comme instrumentiste dans les documents de la cour est en rapport avec les funérailles de Jacques Ier en 1625, l’année qui précède sa propre mort. Elle survient sans doute le 20 janvier 1626, son dernier jour de salaire selon les registres de la cour, bien qu’il ne soit pas enterré à l’église Ste Anne de Blackfriars avant le 20 février. Après la publication de A Pilgrimes Solace en 1610, Dowland arrête presque toute activité de compositeur. On ne connaît qu’une poignée de pièces qu’il ait écrites après cette date, et Dowland lui-même ne publie plus rien d’autre, même si ses œuvres continuent à paraître dans des anthologies tant en Angleterre que sur le continent. On le tient cependant toujours en haute estime, et quelque temps avant 1620 il est nommé docteur, presque certainement par l’université d’Oxford, puisque le Learned Summary de Thomas Lodge dit de lui en 1621 :“Doctor Downland, an ornament of Oxford”.
Le personnage et sa renommée
“Semper Dowland semper Dolens” (Dowland toujours, dolent toujours). Le jeu de mot, de Dowland lui-même, reste le commentaire le plus souvent répété sur le compositeur. On ne sait trop si cette auto-dérision s’adressait davantage à son caractère ou à sa musique. Il est certain que beaucoup de ses chansons ont une propension élisabéthaine et jacobéenne à la mélancolie, bien qu’il s’agisse assez souvent d’une manière de métaphore. Malgré cette réserve, il y a peu de doute qu’il était sujet à des accès de mélancolie, mais comme nous l’avons vu il était aussi un homme aux émotions complexes capable d’accès de passion qui lui faisaient rejeter toutes les considérations pratiques. Sa façon excessive de réagir dans la préface de A Pilgrimes Solace rappelle celle de ses aventures italiennes. Dans les deux cas les conséquences ne peuvent pas lui avoir été favorables, et il est difficile de ne pas être d’accord avec Holman lorsqu’il écrit “qu’il était parfois son pire ennemi”. Il n’y a guère de doute que pendant une grande partie de sa vie il était victime d’un ardent sentiment d’injustice et de frustration suite à ses échecs répétés à la cour d’Angleterre, ce qui inversement peut s’expliquer par le fait que celle-ci voyait en lui un homme “difficile”. Ce point de vue est rendu d’autant plus crédible par la remarque souvent citée de son ami Henry Peacham selon laquelle le luthiste “a laissé passer beaucoup d’occasions d’augmenter sa fortune”. Comme Mozart, Dowland était indiscutablement quelqu’un de fier, très conscient de ses qualités, et on pourrait faire d’autres parallèles entre leurs deux existences. Comme Mozart il semble avoir été un mauvais gestionnaire de ses propres affaires, ainsi que le suggèrent les difficultés financières dans lesquelles il s’est trouvé à la cour du Danemark en dépit d’un très bon salaire. L’image qui émerge, bien qu’incomplète, est celle d’un génie ombrageux, un homme intense qui subissait les violents changements d’humeur qu’on associe aujourd’hui au syndrome maniaco-dépressif.
Après sa mort sa musique est restée dans les mémoires grâce à un petit nombre de pièces, en particulier en Europe où des variantes de son Lacrimæ ont été écrites par différents compositeurs. Dans l’Angleterre du XVIIIe siècle le regain d’intérêt pour l’héritage de la musique de l’époque Tudor et élisabéthaine, plus axé sur le grand corpus d’œuvres sacrées polyphoniques et de madrigaux, fit largement l’impasse sur Dowland. On considérait très généralement son instrument comme une curiosité d’un autre temps. L’historien Charles Burney, en général peu enclin à trouver des qualités à la musique de ses compatriotes du XVIIe siècle, se montre particulièrement cruel à l’égard de Dowland lorsqu’il s’étonne dans sa grande Histoire de “la grande réputation qu’il acquit auprès de ses contemporains”, ainsi que lorsqu’il exploite les griefs exprimés par le compositeur dans la préface du Pilgrimes Solace en faisant observer avec mépris que “le public semble avoir eu raison de refuser à Dowland cette faveur qui lui avait été accordée sur de mauvaises bases (les italiques sont de Burney)”.
Dans les premières années du XIXe siècle on commence à accorder plus d’attention à Dowland. La vogue considérable des glee-songs et des chansons à plusieurs voix n’est pas étrangère à la publication d’un certain nombre de ses airs, et il est intéressant de remarquer qu’ils sont présentés comme des madrigaux. Par ailleurs on intègre plusieurs de ses chants d’église dans des recueils d’hymnes religieux. Mais il faut attendre les années 1890 et le travail de pionnier d’Arnold Dolmetsch qui a rendu vie à des instruments oubliés depuis longtemps comme le luth et la viole pour que l’étoile de Dowland remonte au firmament. Dans la première moitié du siècle dernier, le développement rapide de la musicologie historique initié par E. H. Fellowes et Peter Warlock a aussi contribué à le faire reconnaître, tardivement, comme l’un des plus grands musiciens et auteurs de chansons d’Angleterre. Cette reconnaissance devient définitive dans les années 1970 avec la publication, encore inégalée, de la monographie de Diana Poulton en 1972, et avec les premières relectures de ses livres de chants en 1976 par le Consort of Musicke.
Pièces pour luth
Comme nous l’avons vu, Dowland a bâti sa réputation et sa renommée sur son talent de luthiste. Nous avons déjà évoqué ce sonnet qui parle de son “divin toucher” qui ravit les sens ; d’autres vers élogieux parlent aussi de son talent d’interprète :
For, as an old, rude, rotten, tune-less Kit [i.e. lute], Car une vieille carcasse pourrie et sans voix,
If famous Douland deign to finger it Si le fameux Dowland daigne y mettre les doigts,
Makes sweeter musick than the choicest Lute Fait une musique plus suave que le luth le plus élégant
In the gross handling of a clownish Brute Entre les mains brutales d’un vulgaire clown
John Sylvester, 1605-6
Dowland ne s’est jamais acquitté de la promesse faite dans la préface du First Booke of Songes de publier ses pièces pour luth. En conséquence, à part les neuf compositions qui figurent dans le recueil Variete of Lute-Lessons (1610) de son fils Robert, toute sa musique pour luth nous est parvenue au travers de diverses sources manuscrites dont beaucoup n’indiquent ni provenance ni date. L’existence de plusieurs versions de certains morceaux complique le travail des interprètes d’aujourd’hui qui doivent déterminer laquelle semble être la plus authentique. On en connaît au total une centaine : dans leurs enregistrements “complets” respectifs, Paul O’Dette en interprète 104, et Jakob Lindberg 92.
Répertoire d’une extraordinaire diversité, il comporte des exemples de toutes les formes utilisées par les compositeurs du temps. Cela va de danses (pavanes, gaillardes, allemandes, courantes et gigues) et de transcriptions de ballades populaires de l’époque comme les variations complexes sur Loath to depart (Je répugne à partir), (P69) et Go from my window (Écarte-toi de ma fenêtre) (P64), à des fantaisies libres à l’extrême habileté contrapuntique. De nombreuses pièces portent les noms de grands personnages de la cour et même de monarques que Dowland avait côtoyés. Nous avons ainsi des gaillardes dédiées à Élisabeth Ire (P41) et au “très grand et très puissant Christian IV” (P40), comme à de personnages aussi remarquables que le Comte d’Essex (P42a) et que Lady Penelope Rich (P43a). Mais il ne rendait pas seulement hommage aux puissants. L’une des pièces les plus délicieusement drôles de Dowland est le vif The Shoemaker’s Wife, A Toy (La femme du cordonnier, un jouet) (P58) en 6/8, et Tarleton’s Resurrection (P59) est un chef-d’œuvre miniature presque certainement composé en hommage au célèbre acteur comique Richard Tarleton à l’occasion de sa mort en 1588.
Passer en revue un si riche corpus d’œuvres n’est évidemment pas possible ici, il faudra donc nous contenter d’un aperçu de quelques pièces qui paraissent à l’auteur de cet article présenter un intérêt exceptionnel. D’abord et surtout il y a les pièces contrapuntiques, et en particulier deux magnifiques fantasias chromatiques, Forlorn Hope (Sans espoir) (P2), titre éminemment Dowlandien ! - et Farewell (Adieu) (P3). Toutes deux sont construites avec une suprême habileté sur une ligne chromatique récurrente, montante dans le cas de P3, descendante pour P2. Elles utilisent des harmonies infiniment subtiles, mais si l’humeur de Farewell plonge dans les profonds abîmes de la mélancolie, Forlorn Hope se hisse à un niveau d’angoisse exceptionnel pour Dowland lui-même. A peine moins remarquables sont A Fantasie (P1a), œuvre dont on a démontré qu’elle se basait sur le premier mouvement d’une lauda italienne parfois intitulé “Alla Madonna”, et une autre pièce dont le titre Farewell (P4) prête à confusion, et qui est en fait un In Nomine, forme appréciée des compositeurs anglais. Ici le cantus firmus de la Missa Gloria Tibi Trinitas de Taverner se retrouve à la voix supérieure.
Parmi les danses nous trouvons la version originale de la célèbre Lachrimæ Pavan, avec son fameux motif de la larme (tear drop) et le fameux Semper Dowland Semper Dolens. Conformément à son nom c’est une œuvre d’une mélancolie permanente qui alterne la montée et le relâchement de la tension de la façon la plus subtile. Parmi des pavanes moins connues Solus Cum Sola (Seul avec elle), qui emploie aussi un cantus firmus dans ses derniers accents, est une des rares occasions où l’on peut sérieusement être en désaccord avec le jugement de D. Poulton qui le trouve “particulièrement peu distingué”. La preuve que Dowland n’a pas toujours été exclusivement inspiré par de sombres pensées se trouve dans une pièce comme l’impérissable Frog Galliard (Gaillarde de la grenouille), Mrs Winter’s Jump (Le saut de Mrs Winter) ou comme celle étrangement intitulée Mrs White’s Thing (La chose de Mrs Blanche), cette dernière construite sur de délicieux motifs de fanfare. Pour terminer ce rapide survol il faut mentionner Langton’s Galliard (Gaillarde de Langton), l’une des nombreuses pièces dont D. Poulton démontre qu’elles s’inspirent des œuvres “de bataille” mises à la mode par Janequin.
Les Livres de chansons
La légitimité de Dowland à figurer parmi les plus grands compositeur de chansons d’Angleterre avec Purcell et Benjamin Britten se trouve dans ses trois Livres de chansons et dans A Pilgrimes Solace publiés entre 1597 et1612 qui en totalisent 85. Lorsqu’il publie The First Booke en 1597. La “chanson au luth” (ou “chanson de luth”) n’est absolument pas une forme nouvelle ; née en Allemagne à la fin du XVe siècle elle s’y développe ensuite et rayonne en France et en Espagne au cours du siècle suivant. Il est pratiquement certain que la principale influence européenne qu’ait subi Dowland est celle des “airs de cour” et des “voix de ville” à laquelle il a difficilement pu échapper lors de son séjour à Paris dans les années 1580. Pourtant, comme l’observe D. Poulton, son style original est aussi profondément enraciné dans la chanson traditionnelle anglaise et dans les chansons à plusieurs voix accompagnées de violes (consort songs with viols) que William Byrd a élevées à la perfection. C’est certainement cette influence qui explique que l’ensemble des 21 chansons du Premier Livre sont écrites pour quatre voix et luth, tandis que lorsque les danses et l’écriture en strophes prévalent c’est au modèle français qu’il faut penser. Il faut aussi comprendre que dans ses premières chansons Dowland s’appuie avant tout sur son instrument, plusieurs d’entre elles étant directement dérivées de pièces pour luth comme The Earl of Essex Galliard qui devient Can she excuse my wrongs?(Peut-elle me pardonner mes torts ?) et The Frog Galliard qui devient l’une des chansons les plus touchantes et les plus mémorables du livre, Now, O now, I needs must part (Maintenant, Oh maintenant je dois partir). Et si le Premier Livre est indiscutablement le moins audacieux des quatre, il contient déjà tout ce qui fera de Dowland un grand compositeur de chansons : un don inimitable pour la mélodie et pour les textes, malgré la forme en strophes, ainsi que l’aptitude à donner du sens à ses choix harmoniques (le passage d’un accord de sol majeur à un accord de si majeur au début du cinquième vers du sublime Come, Heavy Sleep (Viens, profond sommeil) apporte toute la surprise d’une modulation Schubertienne).
Avec The Second Booke (Second Livre, 1600) et The Third and Last Booke of Songs (Troisième et dernier Livre, 1603) nous voyons Dowland s’écarter du format standard adopté dans le Premier Livre pour adopter une plus grande diversité de formes et d’écriture musicale. Dans ces deux livres il commence par des chansons pour une voix accompagnée au luth (avec une partie de basse sous laquelle on trouve le texte d’une deuxième voix dans le Second Livre), puis il continue avec des chansons à quatre ou cinq voix pour conclure par un dialogue. Il y a alors moins de chansons basées sur des danses et des strophes, et les parties de luth ont souvent une complexité contrapuntique qui leur donne autant d’importance qu’aux voix. Les premières chansons du Second Livre comptent parmi les plus belles de Dowland. I saw my Lady weepe (J’ai vu ma Dame pleurer) est d’une exceptionnelle beauté, son exploration de la mélancolie dans l’amour dans les deux premières strophes se pimentant dans la troisième de l’exhortation à “ne pas exceller dans le malheur”, avis que Dowland ne s’applique pas à lui-même dans les deux chansons suivantes. La première est Flow my tears (Coulez, mes larmes), la version vocale de Lachrimæ, tandis que Sorrow, stay (Reste, chagrin) est un exemple de la puissante figuration musicale dont il est capable, comme dans la répétition de “pity, pity, pity”, dans les tierces descendantes de “No hope, no pity”, et surtout dans la remarquable succession de longues gammes descendantes de “down, down, down…”, avec la désolante fausse promesse de la remontée qui suit. Par bonheur, peut-être, le Second Livre contient aussi certaines de plus joyeuses créations de Dowland, en particulier Fine knacks for ladies (Jolies babioles pour les dames), qui est avec ses rythmes entraînants et sa délicieuse mélodie une alternative artistique claire aux “voix de ville” à la mode, et White as lilies (Blanches comme des lys) à la charmante insouciance.
Le Troisième et dernier Livre, au titre quelque peu mélancolique, se réfère certainement au fait qu’il contient toutes les chansons que Dowland avait écrites et qu’il souhaitait publier jusqu’alors, plutôt qu’au sentiment de la mort imminente. L’assortiment est très semblable à celui du Second Livre, avec des chansons en strophes au ton léger comme When Phoebus first did Daphne love (Lorsque Phoebus s’est pris d’amour pour Daphné) côte à côte avec des chefs-d’œuvre sérieux et profonds. Deux de ces derniers évoquent le ruissellement des fontaines comme métaphore des larmes. Dans Flow not so fast ye fountains (Ne coulez pas si vite, Ô fontaines) l’image prend vie avec force grâce à un motif de notes pointées qui se répète sur le mot “dropping”, et à des moments où les voix intermédiaires restent suspendues ; et l’exquis Weep ye no more, sad fountains (Ne pleurez plus, tristes fontaines), peut-être inspiré par la traduction d’un madrigal de Marenzio, trouve la consolation dans la quiétude du sommeil. On ne peut pas ne pas mentionner enfin l’élégiaque et énigmatique Love stood amazed (L’amour restait stupéfait), l’une des chansons de Dowland les plus proches du théâtre musical, dans laquelle les mots et la musique sont si intimement liés qu’ils en font l’un des rares exemples où transparaît ce qu’il doit à l’Italie.
Dans l’Adresse au Lecteur qui introduit A pilgrims Solace, Dowland note qu’il “est longtemps resté dans l’ombre”, allusion à la période écoulée depuis la publication de Troisième Livre. Comme le note Anthony Rooley, A Pilgrimes Solace est un portrait musical de Dowland à l’âge de 50 ans, le dernier que nous ayons de lui. On y trouve une plus grande diversité de formes et de sujets que dans les chansons des livres précédents. Les six premières sont des chansons d’amour. Elles vont de l’amour inaccessible et idéalisé de Disdain me still (Méprise-moi toujours) dont il affirme l’indestructibilité, à l’érotisme clairement affiché de Sweet stay awhile (Reste un moment, mon aimée). Elles sont toutes les six de véritables joyaux, certaines des plus belles chansons d’amour de la langue anglaise. Fait unique dans la production de Dowland, Go nightly cares (Fuyez-moi, tourments de la nuit) est la première de trois chansons écrites avec une partie de viole soprano obligée, les notes les plus rapides s’entrelaçant ici d’une façon très efficace avec la ligne vocale plus soutenue. Au cœur du livre on trouve six chants d’inspiration religieuse, très recueillis, sur le thème de la pénitence. Ils se caractérisent par un contrepoint magnifiquement travaillé et de subtils contrastes rythmiques. Comme ses deux prédécesseurs immédiats, A Pilgrimes Solace se termine dans une atmosphère plus légère, et ce sont ici quatre délicieuses chansons avec chœurs, composées pour un masque destiné aux célébrations de mariage du protecteur de Dowland, Lord Howard de Walden, avec Lady Elizabeth Home.
Une dernière observation générale sur les chansons : la majorité des textes est anonyme, mais la façon dont les différents mots s’adaptent à la musique suggère fortement que Dowland a lui-même écrit ou adapté la plupart des poèmes qu’il a mis en musique.
Autres œuvres
Dowland n’a composé aucune musique à usage liturgique ; ce qui s’en rapproche le plus ce sont les musiques des sept psaumes qui devaient accompagner le service funèbre de son mentor Henry Noel en février 1597. Chacune de ces brèves musiques ne concerne qu’un seul verset, et, bien qu’austères comme il convient à la circonstance, elles ne négligent ni l’intérêt harmonique, ni l’écriture figurée chère au compositeur. Les musiques des six psaumes qui constituent la contribution de Dowland au Whole Book of Psalms, compilation publiée par Thomas Est en 1592, sont en revanche beaucoup plus simples. La plupart des airs sont empruntés au psautier franco-genevois de 1551.
Dans des circonstances ordinaires ce serait un crime de lèse-majesté que de reléguer la grande composition pour consort de Dowland, Lachrimæ, or Seaven Teares, sous la rubrique “Autres œuvres”. C’est pourtant ce que je fais ici, pour la bonne raison que Peter Holman, qui a depuis publié un livre sur le sujet (Cambridge, 1999), avait écrit un essai remarquable sur Lachrimæ pour le N° 6 de GOLDBERG ; ceux qui ne possèdent pas cet exemplaire peuvent trouver l’article sur le site Internet de la revue : www.goldbergweb.com/en/magazine/essays/1999/03/197_1.php. . Nous rappellerons simplement au lecteur que la page de titre de Lachrimæ explique que l’œuvre est écrite pour luth, violes ou violons, et qu’elle est composée pour cinq parties. Comme le faisait remarquer Holman, elle a donné un nouveau départ à la musique pour consort de cordes, étant la première publication à inclure une partie en tablature de luth (il est peut-être intéressant de remarquer que l’enregistrement de Musica Antiqua Köln néglige cavalièrement les intentions explicites de Dowland en omettant la partie de luth). La première partie du volume est consacrée aux sept pavanes “passionnées” des Lachrimæ, qui sont liées non seulement par le fameux motif en quatre notes de la “larme”, mais aussi, comme le dit Holman, “par un réseau de subtiles correspondances mélodiques et harmoniques”. Ces pavanes, l’une des suites de pièces lentes les plus tendues et les plus profondes de l’histoire de la musique, sont suivies par un groupe de pavanes, d’allemandes et de gaillardes hétérogènes, dont plusieurs sont connues sous la forme de chansons. Lachrimæ constitue un monument solitaire, mais l’affliction exprimée par son motif a résonné, comme la réputation de son auteur, dans toute l’Europe.
Note de l’auteur : Nous avons utilisé l’orthographe moderne plutôt que l’orthographe d’origine pour les titres et les citations, chaque fois que cette dernière risquait de manquer de clarté pour les lecteurs non anglophones.
Traduction Joël Surleau
Cet article a été originellement publié dans la revue GOLDBERG
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