Constitué en Bourgogne au début de ce siècle par la rencontre de deux musiciens de formation classique, Eric Bijon et Patrick Rudant, unissant accordéon, bandonéon, percussions diverses (Bijon) et flûtes de toutes sortes, des plus classiques aux plus inattendues (Rudant, qui participe également à plusieurs ensembles baroques), le duo Soffio laisse une large part aux compositions personnelles (comme le Piccolo Concerto d'Eric Bijon) et à l'improvisation. Le duo Soffio a vite acquis une large réputation. Deux textes pour les découvrir avant de les entendre.
Le surdo
L’homme au visage d’enfant épuise ses illusions perdues, ses heures de réflexion sur la surface du surdo. Grondement tellurique, sonorités sourdes qui invitent au voyage. Le monde se réveille dans le regard bleu délavé du musicien. La terre tremble. Le flûtiste au visage de sculpture, les yeux fermés lance des notes interrogatrices, danse lancinante sur le monde de Shiva, qui détruit et crée.
Les auditeurs, debout, sont comme figés, guerriers de pierre dans l’expectative. Une femme dit : « On se croirait dans les steppes ». Le son insistant du tambour qui évoque le bourdon des cathédrales nous réveille. Il nous rappelle qu’il ne faut jamais baisser la garde. Le son de la flûte est celui de l’âme humaine qui, toujours, cherche à séduire et pose inlassablement les mêmes questions.
La musique nous emporte sur les ailes des aigles des steppes, qui transportent l’âme des morts avec eux. Danse chamanique qui tournoie, virevolte, chantournée, insistante jusqu’à l’obsession. Les deux silhouettes noires des musiciens à l’expression concentrée nous mènent dans des caravanes improbables, qui ploient sous les vents du désert. Leur musique de l’éveil chasse les mauvais esprits.
Catherine Delamarre
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Un duo à double sens : deux musiciens, deux musiques
Première dimension musicale, une approche extrêmement détachée de la mélodie et du rythme, permise notamment par l’association des percussions et d’une flûte élémentaire constituée d’un simple tube en PVC percé d’un trou pour soufller. Avec un tel instrument, le jeu n’est pas mélodique mais purement harmonique, et est basé sur la résonance de la colonne d’air, sur le son donné par l’attaque du souffle. En arrière-plan donc, des percussions mais là encore, sous le signe de l’originalité : globalement peu de rythmes très marqués mais au contraire des apparitions furtives et légères, roulements de doigts plutôt que frappes franches, comme sur le morceau titre qui ouvre le disque. Et parfois même une inversion inattendue des rôles : Eric Bijon, à l’accordéon, est discrètement présent sous forme de nappes de son propices à la mise en place d’une sorte de transe naturelle, tandis que Patrick Rudant distille savamment des effets percussifs à la flûte harmonique par sa seule manière d’attaquer le son. Ainsi, cette approche, qui est réellement le "son Soffio", est-elle particulièrement réussie ; l’essence primitive de la musique improvisée que l’on entend ici parle à chacun d’entre nous car elle s’appuie sur les instincts premiers que sont la respiration - le souffle - et le contact tactile.
La seconde orientation musicale de Soffio est beaucoup plus mélodique ; Eric Bijon délaisse le surdo au profit du piano, de l’accordéon ou de l’épinette (petit clavecin), tandis que Patrick Rudant abandonne le PVC pour une flûte chinoise en bambou ou une flûte traversière baroque, assez petite et donc relativement aiguë. Peut-être parce que les titres harmoniques évoqués plus haut se sont adressés au plus profond de l’auditeur, l’émotion dégagée par les morceaux mélodiques semble plus intense encore, en particulier sur des pièces comme "Viendras-tu", mélancolique duo entre bandonéon et flûte irlandaise, le celtique et très enjoué "Noich" ou encore "Elysées", clin d’oeil à la musique électronique.
Au-delà d’une simple curiosité musicale à découvrir, ce disque* propose donc une musique très inventive, originale et sans compromis, tout en défrichant des pistes qui seront sans nul doute explorées dans le prochain album (en préparation).
Arnaud Stefani, citizenjazz.com, septembre 2005
En savoir plus, découvrir Soffio :
- * Visitez le site www.soffio.fr
- Sur le Piccolo Concerto d'Eric Bijon (pour le duo et orchestre à cordes), lire l'article de la revue Tempo (n°14,mars, 2005)