THÉODOROS, SCULPTEUR :
EN LIEU D'UNE RÉTROSPECTIVE
MUSÉE NATIONAL D’ART CONTEMPORAIN
ATHÈNES 8 FÉVRIER 2025 – 8 FÉVRIER 2026
par Nektarianna Saliverou
Phd of Contemporary Art Historian - Author
Le caractère de l’art d’après-guerre essentialise la multiplicité expressive à travers des formulations, des recherches et des directions, transformant les expérimentations morphoplastiques en un langage universel mais aussi en un idiolecte individuelle. L'Art de la Contemporanéité, comme objectivité mais aussi signalisation subjective et vérité, dévoile et suggère, des figures et des enjeux de l'Histoire Contemporaine.
Le lien de l’Art avec la Vie constitue éventuellement la caractéristique fondamentale de l’expression artistique après 1945 à la lumière de la transformation de la matérialité et des objets dans des contextes spatio-temporels. Dans le cadre de la Contemporanéité, la subversion des valeurs esthétiques, l’inévitable lien de l’Histoire politique et sociale avec l’Art consentent à une révolution à travers un langage multiforme qui entrecroise l’expression avec l’image et les extensions conceptuelles, les re-significations historiques avec les discontinuités et l’un présent perpétuel ainsi que le concret avec l’associatif.
Les années 1960, au niveau mondial et particulièrement en Europe et en Amérique, ont été décisives non seulement parce qu’elles ont façonné un paysage politique dont l’empreinte est encore visible aujourd’hui mais aussi parce qu’elles ont déterminé que la matérialité avait une valeur esthétique et artistique autonome.
L’évolution de la réalité formelle vers un champ multisensoriel à travers un geste qui transforme le langage visuel en une poétique unique consent à une condition de la véritable liberté de l’Art mais aussi à l’expression des contradictions et du pluralisme de l’ère moderne. Les réalités politiques et sociales particulières sensibilisent et éveillent les artistes, renforçant leur nécessité intérieure de transformer leurs expériences complexes en une praxéologie visuelle souvent non conventionnelle.
Le sculpteur grec Théodoros (1931-2018) résume dans sa polysémie linguistique l’ambiance parisienne de 1960, mais aussi l’ambiance grecque marquée par la Dictature des Colonels et le Révolte Polytechnique, en interagissant avec divers moyens expressifs et des re-significations et révisions idiosyncratiques. L’ensemble de la pensée et de l’œuvre de Théodore redéfinit la notion de sculpture, non seulement comme un genre artistique mais aussi comme composante qui unit l’expérience personnelle et collective. La problématique de Théodoros s’entremêle avec l’expérimentation constante de moyens morphoplastiques, contribuant à la conceptualisation de la sculpture à travers une écriture multidimensionnelle, parfois écrite et ainsi essayiste.
La totalisation d’une écriture politique et symbolique comme une connotation de l’objet controversé de Matraque – Phallus dans «Le Réveil de Minuit» (fig. 1) en 1961, constituera également la base des Installations variées. La mise en évidence de pouvoirs détermine l’élément catalytique de l’activation de leur conscience multiforme de la part du spectateur.
En septembre 1971, Theodoros écrit «Au lieu d'une œuvre de sculpture» qui a été présentée à la Galerie Desmos sous la forme d'une Installation sculpturale, mettant en lumière des points fondamentaux du processus artistique sculptural et de l'art comme un acte culturel.

Fig. 1: «Le Réveil de Minuit», 1965, métal, marbre, bois, donation de l'artiste à E.M.S.T.
L’ «Antispectacle» et les «Manipulations» (1973-1982), constituent une expérimentation linguistique qui incarne la transcendance de l’art sculptural établi, que le conceptualisme associe au sensoriel. La quête artistique significative de Théodoros, polyphonique et multidimensionnelle, dialogue avec le spectateur à travers des stimuli et des sensations.
La contemplation du récepteur sensoriel avec le médium télévisuel, ainsi que la morphogenèse de l'Installation-Performance de «Antispectacle», définissent le point de départ de «Télé-Manipulation» comme un résumé de la possibilité de présenter des œuvres sculpturales à travers la dimension du lui-même de l'artiste. Les mains comme le point central d'expression dans le film, réalisé en collaboration avec le réalisateur George Emirzas, démontre les vues de Theodoros sur la sculpture et la communication de masse, constituant ainsi une sorte de document vivant. La dynamique du récit de l'artiste et la mystique de son art voyagent au-delà des médias, consentant à un partage d'expériences du «Son de la Sculpture». L'extension de la sculpture centrée sur le langage de Théodoros en une donnée performative, en un type de Performance, plus clairement dit, reconstitue non seulement le caractère du geste artistique mais l’élément fondamental de celui-ci.
La réflexion conceptuelle de Théodoros édifie la collaboration de l’écriture sculpturale créative avec la matérialité qui dialogue avec l’universalité et la perpétuité. L’expérience « Du Geste à la Manipulation » reconstruit l’œuvre d’art significative et l’Élégie d’Homo Faber sous le prisme de l’activité qui se déroule à l’extérieur des cubes de métal.
Les «Traces de Doigts» en tant qu’essence intangible de la sculpture, renforcent la présence de Theodoros dans la sphère publique à travers ses archives audiovisuelles et imprimées, concrétisant son pouvoir communicatif.
La réflexion et l’ingéniosité dans le tissage linguistique de Théodore collaborent à la redéfinition de la fonction de l’œuvre d’art. La composante sociale et muséale de l'Art reconstitue la dialectique avec la « Préservation - Conservation » de l'œuvre, ou il est nécessaire parfois le geste de destruction pour atteindre cette finalité spécifique. La dégradation des matériaux comme le moyen pour la désignation de formes nouvelles de l’œuvre d’art, concrétise les limites de l’acte artistique au regard du rôle du collectionneur, du spectateur et par conséquent du musée.
Le «Transitions et Equilibres» hétérodéfinissent les valeurs conceptuelles du fragile et de l’incassable, du périssable et par ailleurs changeant, et de l’éternel. L’incorporation des lois naturelles dans la gestualité sculpturale de Théodore, inaugure la co-implémentation des dimensions existentielles et métaphysiques du visible.
Le dialogue de la sculpture de Théodore avec l'espace public est scellé dans le contexte du «Jardin», la dernière section de l'exposition, abritant des séries d'œuvres plus anciennes de Théodoros, ainsi que des modèles d'œuvres qui ornent les monuments de la métropole grecque.
Le récit allusif de Theodoros et son écriture (re)présentationnel, contribuent certainement à la reconsidération du caractère et du sens de l'art, mais aussi à la perception à travers le prisme des expériences personnels et collectifs. La mise en forme de l'expérience multiforme, constitue le défi le plus essentiel pour l'artiste Theodoros, tandis que la réalité souvent aiguisée se transforme en point de départ d'une confrontation esthétique avec l'établi, parfois avec des symboles archétypaux (Nike de Samothrace) tels que "Augure" (fig. 2). La nécessité de formuler une re-signification morphologique et esthétique révolutionnaire établit Théodoros parmi les représentants les plus authentiques de la décennie de transition 1960-1970. La dynamique communicative et la persuasion iconographique interagissent avec la multi-signification de l’Avant-Garde, un discours visuel qui transforme l’œuvre d’art en un point multidimensionnel d’universalité sociopolitique et esthétique.

Fig. 2: «Augure », 1963-1964, métal, donation de l'artiste à E.M.S.T.